Broutin

Un artiste est ...

... un individu faisant (une) œuvre, cultivant ou maîtrisant un art, un savoir, une technique, et dont on remarque entre autres la créativité, la poésie, l'originalité de sa production, de ses actes, de ses gestes.
Ses œuvres sont source d'émotions, de sentiments, de réflexion, de spiritualité ou de transcendance.
Les caractéristiques conférées à un artiste, et la notion en elle-même, sont particulièrement variables dans l'histoire et n'ont pas de définitions universelles (de même que pour l'art, un « faux concept » anhistorique). Ces définitions ont comme origine une expérience, une appréciation personnelle, un regard et sont la conséquence d'un intérêt collectif propre à une culture. De plus, la notion d'artiste – ou son absence – et l'imaginaire qui l'accompagne, est liée à l'idée de sujet et d'altérité chez un groupe humain, à une époque déterminée.
Certains usages traditionnels distinguent l'artiste de l'artisan en se fondant sur la condition d'auteur, ou d'interprète, du premier. Soit un producteur de créations de l’esprit en opposition aux travailleurs manuels, aux exécutants anonymes, à ce qui est utile ou fonctionnel.
"J'appelle artiste celui qui crée des formes... et artisan celui qui les reproduit, quel que soit l'agrément ou l'imposture de son artisanat." dira ainsi Malraux.
Depuis le xviiie siècle, ces activités concernent principalement les accomplissements de l'humanité différents des sciences et du droit, qui ne prétendent ni « dire le vrai », ni établir des règles. Cependant, pour l'anthropologue Lévi-Strauss, la démarche de l'artiste relève à la fois de celle du bricoleur et du scientifique.
Dans un sens commun, et plutôt péjorativement ou pour la disqualifier, on parle également d'artiste ou de poète à propos d'une personne étrange, marginale, oisive, rêveuse, qui fait n'importe quoi, de quelqu'un qui n'a pas le sens des réalités, des règles, et est parfois considéré comme rebelle ou fou mais qui peut aussi à l'inverse être apprécié comme faisant preuve de génie.
Dans la littérature, la plus ancienne mention du mot artiste apparaît dans La Divine Comédie de Dante Alighieri. La première mention se trouve dans le chant XIII du Paradis :
Si la cire était ductile à point,
et que le ciel fût dans sa plus haute vertu,
la lumière du sceau apparaîtrait tout entière ;
mais toujours amoindrie la rend la nature,
opérant comme l'artiste,
qui a l’habitude de l’art et une main qui tremble.
Le mot réapparaît dans le chant XVIII du Paradisoù il évoque l'âme d'un de ses ancêtres :
Puis, se mêlant et se mouvant avec les autres lumières,
l’âme qui m’avait parlé me montra
quel artiste elle était parmi les chantres célestes.
Enfin, au chant XXX, où arrivé au terme de son voyage, sous la conduite de Béatrice, il ne peut décrire la beauté avec la parole humaine :
mais il faut maintenant que je renonce à suivre davantage,
derrière sa beauté, en poésie,
comme un artiste après son dernier effort.
Dante fait de l'artiste celui qui a le pouvoir de montrer la beauté jusqu'à la révélation de la splendeur céleste. Il introduit le mot dans la langue italienne, invente la figure de l'artiste et en fait l'égal du poète.
Le mot a été peu utilisé dans le sens donné par Dante pendant les deux siècles qui ont suivi. On le retrouve en 1360 sous la plume de Franco Sacchetti, puis Francesco Albertini, élève de Ghirlandaio, connu entre 1493 et 1510, qui l'utilise à propos d'ex-voto de cire, « facte per mano di optimi artisti ».
C'est Michel-Ange qui va introduire définitivement le mot par son sonnet l'« Ottimo artista » :
Le grand artiste ne conçoit nulle idée
qu'un bloc de marbre en soi ne circonscrive
de sa gangue et seule la concrétise
la main obéissant à l'intellect.
Le philosophe florentin Benedetto Varchi, dans deux conférences faites en 1546 devant l'Académie florentine des lettres publiées en 1549, discute la signification du mot artista. Dans ces conférences, Varchi rappelle l'usage des mots artifice venant du latin artifex, et artigiano qui correspond au français artisan.
Dans ses Mémoires, Benvenuto Cellini rapporte une discussion orageuse avec Cosme Ier de Médicis au sujet de la statue de l'artiste, Persée tenant la tête de Méduse, vers 1548. Aux propos de Cosme de Médicis qui prétend parler de l'œuvre en connaisseur, Cellini lui répondit : « Vous vous y entendez comme un prince, mais moi comme un artiste ». Cellini devait connaître le sonnet de Michel-Ange car il était intervenu à la demande de Varchi pour les conférences publiées en 1549.

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